Il y a quelques temps, Mr D. a écrit sur le blog : « … il va falloir créer une association de radioamateurs “”Canal historique”” peut être votre prochain combat mon cher F6HQY … Que pensez-vous de ce projet ? ».

La proposition est un brin provocatrice mais, à y bien réfléchir, elle n’est autant iconoclaste qu’il y paraît au premier abord. En effet, chacun a pu constater / déplorer que le radioamateurisme national est en pleine mutation depuis quelques années, la dite mutation provoquant des clivages de plus en plus marqués entre différentes « catégories » de radioamateurs. Je précise d’emblée – pour la clarté du propos – faire totalement l’impasse sur les poncifs habituels tels que « on est tous égaux… », « si tous les gars du monde… » etc… qui font très joli dans les plaquettes de promotion mais ne correspondent hélas plus à grand chose. Je préfère observer, une fois de plus, le Microcosme tel qu’il est et non pas tel qu’on aimerait qu’il soit.

Historiquement, et vu de ma petite lucarne, le radioamateurisme est resté assez cohérent jusqu’à la fin des années 70 et le profil des OM’s lambda était assez homogène : activité plutôt technique souvent pratiquée par des gars dont c’était le métier, et à laquelle pouvaient accéder des non initiés à condition qu’ils acceptent / choisissent de bosser un peu. Pas tellement de matériel dans les magasins, pas d’internet et de la construction « home made » à gogo. Du traffic aussi, bien sûr, et une éthique assez en phase avec la morale plus globale de la société de l’époque (respect, travail, famille… heu, bon, j’arrête là !).

En un mot comme en cent, cette activité était peu connue du grand public, le milieu OM peu ouvert sur l’extérieur et il fallait pas mal de motivation / passion / travail pour, peut-être, un beau jour être admis dans le sérail de la radio d’amateur…

Et puis les années 80 sont arrivées avec, comme corollaire, la « libération » de la CB et l’entrée en force du merchandising dans un domaine jusque là peu exploité par l’industrie de production de masse.

Subitement, n’importe qui pouvait causer dans le poste après avoir juste fait un petit chèque pour acheter un TX 27 Mhz. Surtout, il est devenu évident qu’il n’était point besoin de « travaillez… prenez de la peine…  » comme le proclamait notre ami De La Fontaine (et non pas De La Coquille…) pour répondre à ce besoin de communiquer typiquement humain qui sera d’ailleurs plus tard pleinement satisfait avec internet et la téléphonie mobile. Ainsi, le nombre de passionnés des ondes – toutes catégories confondues – à cru en flêche, substituant sans l’avoir vraiment voulu de nouvelles valeurs aux anciennes qui ont à cette occasion  pris un sacré coup de vieux… C’est à ce moment là qu’une sorte de « ringardisation » des radioamateurs a commencé, quand bien même ces derniers, au plan technique, ont rapidement fait le saut et se sont lancés, comme ils l’ont toujours fait, c’est à dire avec discrétion, dans la mise en oeuvre des innovations technologiques appliquées à la radio d’amateur.

Le status quo a duré comme ça jusqu’aux années 90, les radioamateurs « historiques » se retranchant derrière une ligne maginot constituée par l’histoire – leur histoire – et le sacro saint fer à souder, pendant que les hordes barbares des cibistes faisaient joyeusement le tour pour les encercler.

Mais la vague internet est bien vite venu balayer tout ça, on pourrait même parler de tsunami, renvoyant dos à dos dans le même anonymat les radioamateurs et les néo-communiquants qualifiés pour l’occasion de « noobs » par des « geeks » tenant désormais le haut du pavé sociétal et communicatoire (néologisme que je viens d’inventer pour l’occasion).

Où en sommes nous donc en ce début de troisième millénaire ?

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que le radioamateurisme national ne se porte pas spécialement bien, et les néo-communiquants non plus. Vous allez me dire que ce n’est pas le cas dans la plupart des autres pays – ce n’est pas faux – mais la raison en est assez simple et c’est d’ailleurs là que se trouve le fond du débat (et aussi quelques raisons d’espérer) :

1) Les pouvoirs publics des dits pays « jouent » assez bien le jeu avec des radioamateurs  considérés comme crédibles, on a d’ailleurs l’impression qu’un réel partenariat est mis en oeuvre pour favoriser cette activité.

2) Tout est fait pour que les néo-communiquants puisse intégrer le radioamateurisme via des licences « novice » adaptées ou plutôt simplifiées avec un accès attractif aux bandes décamétriques. En gros, moins de boulot, plus de droits.

3) Les structures radioamateur des pays qui nous entourent semblent plus fortes que la (les ?) nôtres, exerçant un lobbying significatif et organisé de façon assez professionnelle.

En france, bien sûr ça ne se passe pas tout à fait comme ça, et l’émergence (innéluctable) du « new radioamateur » qui est un hybride génétiquement modifié de la vieille souche gallénique auquel sont incorporés des chromosomes de cibiste, est sans cesse retardée en terme d’acceptation d’un fait pourtant établi.

Les données de l’équation sont donc bien connues et il est clair que la tendance « canal historique » du radioamateurisme a du plomb dans l’aile et sera de moins en moins la norme dans le paysage radio des années à venir. Mais, car il y a un « mais » dans mon raisonnement, je suis par contre persuadé qu’il se trouvera toujours un certain nombre de gars / YL pour se lancer dans cette activité avec l’envie d’apprendre, de construire, d’innover dans le domaine de la radio. Aujourd’hui comme hier et nécessairement comme demain.

Je crois donc que c’est pour eux, et surtout pour eux, que la proposition de Mr D. à du sens. Rien n’endiguera l’évolution consumériste et communiquante du radioamateurisme, et il serait vain et stérile de vouloir s’y opposer. Par contre, l’énergie des gardiens du temple pourrait être plus utilement dissipée en organisant la survivance de la tradition radioamateurs des origines et, du coup, en permettant qu’elle se perpétue pour les impétrants, au travers d’une structuration acceuillante, connue et reconnue de tous. A la condition bien sûr que ces tenants de la tradition mettent un terme à leurs habituelles chicayas d’hyperistes, graphistes, numéristes et autres bidouilleurs… et admettent une bonne fois pour toute qu’il existe une grande variété de manières de pratiquer le radioamateurisme. D’un certain point de vue, je crois que c’est l’afflux des néo-communiquants qui offrira le socle nécessaire (population globale en progression et donc pesant plus « politiquement » ) pour permettre la survivance du radioamateurisme historique. Dit autrement, la masse des nouveaux (via des licences novices adaptées) donnera du « corps » à une activité qui pourra, dès lors, s’offrir le luxe de maintenir à flot un contingent significatif de gardiens du temple. Ceci étant, il est clair que dans ce schéma devront coexister deux conceptions très différentes du radioamateurisme, la plus décriée servant quand même à maintenir à flot la plus restreinte en effectif.

Par contre, l’idée que TOUS les radioamateurs (anciens et nouveaux) pourraient communier de conserve dans la chapelle du Square Trudaine (c’est à dire allier la quantité avec la qualité) me semble être une utopie totale. Même pas en rêve, disent les d’jeuns… Ce serait comme espérer que 100 % des téléspectateurs vont se mettre à regarder « La marche du Siècle » plutôt qu’un match de foot… Ceci dit, on peut quand même espérer que l’exemple présenté par les « canal historique » pourra plus ou moins « déteindre » sur des nouveaux OM’s initialement plus attirés par le traffic que par autre chose… Je crois aux vertus de l’exemplarité.

En un mot comme en cent,  je suis donc favorable à la structuration plus ou moins formelle d’un système pérénisant les valeurs fondamentales du radioamateurisme, une sorte de  « Ligue des Gentlemen Radioamateurs » qui aurait pour objet de promouvoir un code de bonnes pratiques tout en faisant montre d’exemplarité. Il n’est d’ailleurs que d’écouter les bandes pour constater l’anarchie qui y règne parfois… Une Ligue qui serait aussi force de proposition vis a vis des associations nationales. Ceci posé, le plus difficile resterait à faire ! Sans même parler de « qui » pourrait s’en occuper et sous quelle forme (club, assos… ?) se posent des questions de fond qu’il conviendrait de bien solutionner. Par exemple, quels sont les « dogmes » dont il faut assurer la pérénité ? Je verrai bien, dans ce cadre, la création  d’une charte éthique… Et beaucoup d’autres questions pratico pratiques. Mais aussi des questions de fond (certains vont hurler à la ségrégation entre OM’s, couche supplémentaire du mille feuille associatif  radio…).

En tout état de cause, je suis convaincu que les tenants du Radioamateurisme « Canal Historique », s’ils veulent faire école et susciter des vocations, doivent devenir « visibles » – d’où l’idée d’une structuration – et ne pas se cantonner à maugréer dans leur coin sur l’incurie des nouveaux. Ils doivent aussi proposer clairement un modus operandi et vivandi à ces derniers. Et, bien sûr, ne pas recréer en interne des « castes » entre les dx’ers, les bidouilleurs ou encore les graphistes, ce qui est le cas actuellement  si on en juge par l’existences de différentes associations qui ne jurent que par l’activité qu’elles soutiennent.

Surtout, il serait bien que les querelles d’ego soient mises en sourdine… Or, il semble que ce ne soit pas franchement le cas, par exemple au Ref-u où Betty semble bouder dans sa Savoie préférée pendant que Lucien jeter l’éponge et que Prof tente de maintenir ce qui reste d’une poigne de fer…

Finalement, l’idée me paraît intéressante et tout le monde y trouverait son compte, les tenants de la tradition qui offriraient un modèle à ceux voulant le suivre et le péréniser, un modèle  reprenant des valeurs historiques, techniques et humaines contenues dans une charte, tandis que les néo-communiquants ne seraient pas spécialement lésés et pourraient s’adonner à leur passion communicatrice sinon communicative… Une sorte de deal gagnant / gagnant où les uns apporteraient le nombre et les autres la mise en oeuvre de certaines valeurs, la combinaison de ces deux éléments étant nécessaire pour peser véritablement dans les négociations avec la tutelle… et, peut-être, faire progresser le niveau moyen de l’ensemble ?

Oui, je pense qu’il ne serait pas inoportun – si on ne veut pas le voir disparaître pour de bon – de promouvoir un radioamateurisme de qualité où une certaine « éthique » serait la règle … tout en y incorporant tout ce que l’époque moderne nous a apporté d’intéressant. Un club de gentlemen quoi… Car des Gentlement isolés, on en connaît tous, mais à part lancer – parfois – des diatribes qui s’évanouissent dans le désert, qu’elle est l’efficacité de leurs démarches individuelles ? C’était mieux avant ? OK, mais alors,  tu fais  quoi  camarade ?

Finalement, je me dis qu’il y a là un créneau – non encore exploité – qui devrait donner à réfléchir à notre ami Dan, voire à ce qui reste de l’URC… URC dont on dit qu’elle est désormais réduite à sa plus simple expression et qui n’attend, peut être, qu’un bel « ancien » ténébreux pour lui donner une nouvelle vocation ?

Votre idée est donc intéressante, Mr D. (à ce propos, j’espère que vous ne m’en voulez pas trop pour cette histoire d’astéroïde mais  l’occasion était trop belle !), probablement inapplicable mais voilà un débat qui mérite quand même d’être lancé… Pourquoi pas ici, du coup ?

A suivre si vous avez des idées… et joyeuses pâques à tous !

NB : je précise pour les éventuels suspicieux que je ne vise strictement rien, à titre personnel, dans cette réflexion, et que je n’ai de toute façon aucune envie de me relancer dans une aventure de type Refuthon. Je crois simplement qu’un débat là dessus aurait probablement le mérite de mettre au clair la terminologie « Radioamateurisme Canal Historique ». On pourrait d’ailleurs rapidement de se rendre compte que pas grand monde n’est d’accord sur la définition à lui donner !