LA FIN DES REFOSAURES

PARTIE 4

 

En cette matinée automnale éclairée par deux soleils, l’un traditionnel et l’autre beaucoup plus petit, qui fera date dans l’histoire du Microcosmus, se font face d’un côté une poignée de puissants  Refosaures et, de l’autre, une petite armée de Cibistosaures. Entre les deux s’interpose un  groupe de Fzeropterix qui pressent que son avenir est particulièrement compromis, et qui redoute autant les crocs des uns que les coups de griffe des autres… La bataille désormais imminente a pour enjeu immédiat la possession du fivenine, ressource limitée que tous ne peuvent consommer à satiété. Mais, bien au-delà de cette préoccupation somme toute assez primaire, c’est bien de la prééminence de telle ou telle autre espèce au sein de Microcosmus qu’il s’agit.

En effet, des deux groupes majeurs qui dominent le Microcosmus ,  les Refosaures sont les plus anciens  d’un point de vue chronologique et, d’une certaine façon, les garants d’une forme assez traditionnelle de la récolte du fivenine.  Les Cibistosaures, de leur côté, pensent représenter l’avenir et n’ont pas conscience qu’ils sont eux aussi une espèce du passé, plus vivace bien sûr, mais dont la dynamique est exclusivement basée sur la sempiternelle récolte du fivenine. Ainsi, et d’un strict point de vue évolutionniste, force est de constater que ces derniers ne sont pas mieux lotis que leurs concurents. En marge des protagonistes de cette bataille se sont positionnés les Adrasectoredons qui, bien que plutôt intéressés  par le gyrofare, sont également une espèce du passé.

La bataille est maintenant imminente  mais aura-t-elle le temps d’avoir lieu ? Car l’astéroïde M.D.001 est désormais  au plus près de la planète et les astronomes pensent que sa trajectoire va l’amener à proximité de la stratosphère, ils en sont sûrs mais ne savent pas  par contre si il va rebondir dessus et reprendre sa course sur une autre trajectoire, ou au contraire s’enfoncer dans les nues avant de s’écraser sur le Microcosmus.

Ces considérations scientifiques pourtant capitales ne sont pas au nombre des préoccupations des Blogosaures qui poussent maintenant des clameurs formidables depuis le sommet des collines où ils sont retranchés. Les Comunicoraptors, au comble de l’excitation et qui se sont contenus on ne sait trop comment jusqu’alors, se mettent à charger brusquement, suivis de près par les Tumcopilamiterix tandis que les Cossardosaures se mettent à descendre plus lentement des collines où ils sont stationnés.

La charge des Comunicoraptors est irrésistible et ne fait qu’une bouchée des Fzeropterix qui, on s’en doutait un peu, ne présentent pas de grande résistance aux agresseurs, les survivants étant dans la foulée achevés par des Tumcopilamiterix ravis de cette victoire facile et sans gloire.

Le groupe des Contestosaures, dans l’attente du choc,  se campe fermement sur ses pattes arrière et attend l’arrivée des Comunicoraptors qui ne traînent pas en route et se jettent de façon désordonnée sur leur ennemi ancestral. La « Mère » de toutes les batailles vient de commencer et va faire rage pendant plusieurs heures. Du point de vue du rapport de force, chaque Constestosaure est bien sûr capable de décimer plusieurs Comunicoraptors à la fois, mais il fatigue vite et l’adversaire ne cesse d’affluer en vagues désordonnées. La force contre le nombre…

De jeunes enfants pouvant lire ces lignes, l’auteur s’abstiendra de décrire le carnage qui s’ensuit mais que chacun peut aisément imaginer.

*

Ne subsistent plus au bout de trois heures sur le champ de bataille que quelques Contestosaures à peu près valides bien que gravement blessés, et une trentaine de Cibistosaures en relatif bon état et qui se sont regroupés pour un ultime assaut.

C’est précisemment à ce moment là que, comme le craignaient les scientifiques, M.D.001 se met à  tangenter la stratosphère. Mais aucun des deux scénarii qui avaient été envisagés par les spécialistes ne se produit, laissant la place à une troisième option. En effet, la composition  de l’enveloppe externe de ce géocroiseur est très friable et le frottement avec les hautes couches à conduit à l’explosion  de cette enveloppe en de multiples fragments qui ont aussitôt piqué vers le Microcosmus tandis que le noyau, qui représente quand même  70 % de la masse de l’astéroïde, s’est trouvé éjecté au loin dans l’espace.

Ces débris qui tombent en masse sur le petit continent  ne sont certes plus à même de détruire toute vie, mais ils peuvent néanmoins causer d’importants dégâts, qu’il s’agisse des blocs d’ART, des fragments de CSA ou encore des grosses particules de Bercyte. Sans oublier bien sûr les silicates de CPL qui se chargeront d’occasionner le plus gros des destructions.

Ce bombardement qui va durer plusieurs heures stoppe net  l’assaut final qui se préparait et, l’instinct de survie primaire prenant le dessus,  voit s’enfuir les Contestosaures survivants qui, guidés par leur cerveau reptilien,  vont essayer de regagner  la plaine de Galène qui est le nid de leurs origines.

Les Cibistosaures survivants, de leur côté, ne tardent pas à s’enfuir pour chercher refuge dans leur Taukiwauqui natal, piétinant au passages des Cossardosaures tardifs qui arrivaient juste sur le champ de bataille et qui se demandent si ils vont avoir la force de faire immédiatement le chemin du retour.

*

Plusieurs semaines plus tard, le paysage du Microcosmus a bien changé et présente tous les signes d’un petit hiver nucléaire. La lumière du soleil ne perce que très faiblement, et de façon sporadique,  les nuages de cendres. La température au sol, sans être glaciaire, est en chute libre.

La plupart des espèces vivantes ont vu leurs effectifs réduits de près de 90 % après le passage de M.D.001 et on ne trouve plus guère de spécimens que dans deux régions fort éloignées l’une de l’autre, le Taukiwauqui  et le Galèneland. Les survivants des diverses sous espèces dominantes s’y sont en effet regroupés, faisant enfin fi de leurs querelles intestines et ancestrales, et orientant désormais leurs efforts vers un unique objectif commun, la survie.

Ne serais-ce la cruauté du moment, on prendrait presque plaisir à observer cette vision positive des Contestosaures survivants  offrant un peu de fivenine à quelques Adrasectoredons blessés qui partagent  dans le même temps leur stock de gyrofare avec des Ferasouderaptors affamés et désespérés…

Il en va de même du côté des Cibistosaures qui se demandent si ils ne vont pas aller offrir un peu de brecobreko à leurs ennemis d’hier en guise de signe de paix…

Mais n’est-il pas trop tard ? Les Refosaures, les Adrasectoredons  et autres Cibistosaures représentent-t-ils encore l’avenir du Microcosmus ?

On peut logiquement se poser la question car, quelques mois plus tard, va émerger des sous sol une nouvelle espèce de petite taille qu’on ne connaissait pas encore, les Numericosapiens. Ils sont faibles et leur biologie repose sur des principes très novateurs par rapport à ceux des précédents maîtres des lieux.  Intelligents, ils mangent indifféremment le brecobreko, le fivenine ou le gyrofare. Surtout, leurs organismes tolèrent parfaitement l’Octet, plante à croissance rapide qui recouvre peu à peu le Microcosmus, ainsi que le Sdéaire qui se met à proliférer dans les zones de pousse du fivenine.

Les scientifiques estiment que les Numéricosapiens ont les aptitudes nécessaires pour  supplanter les autres espèces et inaugurer un nouvel âge du Microcosmus. C’est probable mais… cette prédiction ne tient pas compte de M.D.001 dont l’orbite n’a été que peu modifiée et qui repassera un de ces jours  à proximité de la planète. Son noyau, encore long de plus de 200 mètres, risque cette fois de ne pas rebondir sur les hautes couches de l’atmosphère mais, au contraire,  plonger directement vers la surface… signant de façon radicale et définitive l’extinction de toute vie sur le Microcosmus.

Mais c’est une autre histoire que je vous conterai, peut-être, un de ces jours … (*)

(*) Je dis ça parce qu’il faut toujours terminer un récit par une note positive  mais ça m’étonnerais que je me colle à la suite cette histoire !