13. FÊTE NATIONALE

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Au début du printemps, Pierre sollicita Denis pour un nouveau travail. Ils se rencontrèrent chez lui à l’occasion d’un week-end qu’il voulait mettre à profit pour commencer à refaire la décoration de sa nouvelle maison. Il était arrivé de Paris le vendredi soir et se présenta chez eux de bonne heure le samedi matin.

-Entre Pierre ! Je suis heureux de te revoir. Il embrassa Marie et ils se retirèrent dans le bureau, où Denis avait installé son ordinateur.

-Ce que je veux te demander cette fois-ci est un peu différent. Tu vas travailler sur un programme existant, mais incomplet. Il manque des routines que nos spécialistes n’ont pas réussi à programmer. Inutile de te recommander une fois de plus la discrétion. Mais si tu y arrives, tu auras contribué à créer de nouveaux emplois, car les applications seront multiples. Il ouvrit son attaché-case et en retira un dossier et une clé USB qu’il posa sur le bureau. Il voulait savoir si Denis pouvait satisfaire sa demande avant la fin de mois de juin. Après avoir lu les grandes lignes du dossier, il lui dit que cela ne poserait pas de problèmes.

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Ils venaient de rentrer chez eux après leur footing hebdomadaire. Ils avaient pris l’habitude d’effectuer ensemble cet exercice le dimanche matin, depuis qu’ils étaient mariés. Le bienfait que cela leur apportait se ressentait lorsqu’ils s’entraînaient le jeudi. Au courant de l’après-midi, Denis se mit à examiner les différents éléments du dossier tandis que Marie avait commencé une série de tableaux à l’huile, basés sur les croquis qu’elle avait ramené des îles Canaries.

Ils se parlaient peu dans de telles circonstances, chacun se consacrait à sa tâche, mais cela n’empêchait nullement l’un d’observer ce que faisait l’autre. Il adorait voir Marie peindre, et elle aimait le voir programmer. Ils s’accordèrent une pause ensemble pour déguster un thé avant de poursuivre jusqu’à l’heure du repas.

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Deux jours plus tard, alors que Denis discutait dans son bureau avec Roland, le téléphone sonna. L’interlocutrice du service du Personnel demanda à Denis de se présenter sans délai à l’accueil, sans lui en dire davantage. Cet appel était inhabituel et il ne voulut pas la faire attendre. En arrivant dans le hall, la réceptionniste lui indiqua une personne qui était assise.

Il alla saluer le visiteur, en se présentant, et lui demanda ce qu’il pouvait faire pour lui. Celui-ci lui dit qu’il était un émissaire du Ministère, et qu’il était  chargé de lui remettre un courrier scellé en mains propres. Denis ne put s’empêcher de penser à Pierre, mais le contenu du courrier était inattendu, ainsi qu’il s’en rendit compte en l’ouvrant un peu plus tard.

Il devait voir Marie pour lui annoncer la nouvelle. Elle était en train de travailler sur une nouvelle collection pour enfants dont elle avait eu l’idée récemment lorsqu’il entra dans son bureau.

-J’ai une nouvelle étonnante, ma chérie. Je viens de recevoir une invitation un peu particulière, qui m’a été transmise par un porteur spécial. C’est une invitation pour la fête nationale à Paris. Tout sera pris en charge, y compris le déplacement par avion. Je pense que Pierre n’est pas étranger à l’affaire. J’ai encore un peu de mal à le croire. Nous devrions être reçus par une personne haut placée, et nous serons également invités l’après-midi pour la garden-party.

-En effet, c’est curieux, je ne m’y attendais pas non plus. Mais cela me fait plaisir que Pierre ait pensé à nous. Je ne vois pas d’autre explication.

-Il a été prévu que nous partions un jour avant, dans la matinée, pour revenir le lendemain soir. Et les réservations sont déjà faites, les billets étaient dans le courrier.

En réalité, l’initiative n’émanait pas de Pierre mais de son supérieur, le Secrétaire d’Etat. Celui-ci avait eu un entretien avec les plus hautes instances, et décision avait été prise de les inviter tous deux pour cette journée commémorative. Des mesures avaient également été décidées pour que tout se déroule sans incident.

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Denis avait terminé le travail que Pierre lui avait confié. Ils se retrouvèrent une nouvelle fois dans la capitale, à la mi-juin, lors d’un autre déplacement. Pierre avait retenu deux places pour midi dans un petit restaurant espagnol qu’il avait découvert récemment. Ils étaient détendus tous deux, et parlèrent d’Anne. Il apprit que la fille de Pierre était enceinte, et que Daniel et elle allaient se marier prochainement.

-Et  vous serez évidemment invités, ainsi que Judith et son mari. Ils ont prévu la cérémonie pour la fin du mois d’août. Il faut que je me fasse à l’idée de devenir grand-père ! Et en ce qui vous concerne, tous les deux, vous en avez déjà parlé ?

Il se troubla. Le souvenir fugace du rêve d’Emi qui achetait un landau venait de traverser ses pensées.

-Nous en avons parlé, et c’est notre vœu. Mais pas avant l’année prochaine, répondit-il. Et tellement de choses peuvent encore se produire.

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Ils étaient en congés pour quelques jours. Ils furent pris en charge dès l’aéroport, la veille de la fête nationale. Ils avaient décollé le matin, et leur accompagnateur précisa les différentes étapes des cérémonies. Il avait préparé un récapitulatif dont ils discutèrent durant le vol.

Une autre personne les accueillit à l’arrivée. Un chauffeur avec une voiture avait été mis à leur disposition, qui les conduisit dans une résidence qui serait leur lieu de vie pour ces quelques jours qu’ils devaient passer à Paris. L’appartement était luxueux et décoré avec goût, et les services d’un majordome y avaient été associés. Le premier rendez-vous qui leur avait été fixé eut lieu en milieu d’après-midi, au Ministère, où le secrétaire d’Etat les attendait.

-Veuillez prendre place, je vous prie. J’ai souhaité vous recevoir pour vous remercier tout d’abord

pour ce que vous avez réalisé tous les deux. Madame, vos créations sont remarquables, et vous, Monsieur, vos travaux informatiques nous rendent les plus grands services. Il était tout à fait normal, dans ces conditions, que vous soyez remerciés de manière officielle. C’est pourquoi, après en avoir parlé entre nous, nous avons décidé de vous convier cette année à participer à notre fête nationale.

Vous serez conduits demain matin à la tribune officielle pour assister au défilé, et le Chef de l’Etat vous adressera quelques paroles. Enfin, vous irez à notre garden-party où vous rencontrerez des personnes qui ont apprécié ce que vous avez réalisé. Vous apprendrez à cette occasion ce que nous attendons de vous. Encore tous nos remerciements en attendant d’avoir demain le plaisir de vous retrouver.

L’entretien était terminé. Ils furent reconduits auprès de leur voiture avant de retourner à la résidence.

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Le téléphone sonna et le majordome s’empressa de prévenir Denis pour lui dire que Monsieur Pierre désirait lui parler.

-Alors, vous vous plaisez dans l’appartement ? Trêve de plaisanterie, je voulais surtout te dire de ne pas être étonné demain. Une surprise vous attend et je voudrais que vous ne refusiez pas ce qui vous sera annoncé. Mais je ne vous en dis pas plus pour l’instant. Je suis persuadé que cela vous fera plaisir. A demain dans la tribune et bonne soirée.

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La voiture les mena au pied de la tribune officielle où le Chef de l’Etat les accueillit en personne. Il arborait un large sourire, et s’approcha de quelques pas, avant de leur souhaiter la bienvenue.

-Madame, Monsieur, je suis très heureux de rencontrer aujourd’hui des personnes de qualité. Non seulement vous-mêmes, mais également vos familles ont participé à la grandeur de notre Pays. Madame, votre collection pour nos édiles a rencontré leur plus grande admiration, et vous Monsieur, vous verrez dans quelques instants nos nouveaux systèmes défiler, dont l’aspect tactique correspond à vos développements.

Je suis très fier de faire votre connaissance, et nul doute que vous saurez aller plus loin encore, mais vous en apprendrez davantage un peu plus tard. Il attendit quelques instants, le temps qu’un fonctionnaire portant un présentoir, sur lequel était posé deux médailles, les rejoigne, puis il fit le panégyrique de leurs familles avant de leur remettre ces décorations.

Marie se vit remettre la médaille des Arts, tandis que Denis se vit octroyé celle de la Défense. Tout cela se déroula devant un parterre de représentants des médias, et ce qui constitua un évènement dans le monde politique fut largement décrit et débattu dans les quotidiens ainsi qu’aux actualités télévisées.

Deux sièges avaient été prévus pour eux dans la tribune officielle. Ils purent ainsi profiter du spectacle qu’était le défilé. A l’issue de celui-ci, ils furent conduits au jardin réservé à la garden-party. Ils y rencontrèrent de nombreuses personnes qu’ils avaient vues, de temps à autre, aux actualités. Beaucoup de ces personnes les félicitèrent, et l’une d’elles leur parla en particulier. Il s’agissait de

l’attaché de la Présidence.

-Monsieur le Président m’a confié la mission de vous informer. Il a décidé Monsieur, de vous promouvoir au poste de directeur de l’Imprimerie Nationale. Madame, vous serez la collaboratrice directe de votre époux. Mais cela ne représente que l’aspect officiel de la fonction. Vous aurez toute latitude pour y exercer vos autres talents. Pour la charge officielle, qui est bien réelle, vos autres collaborateurs s’en occuperont. Sous son aspect plus secret, vous devrez continuer à développer des programmes, et Monsieur Pierre, comme par le passé, assurera la liaison avec les services concernés.

En ce qui vous concerne, Madame, vous pourrez aussi poursuivre votre travail de création, un studio sera prochainement aménagé pour cela. A terme, votre sœur vous secondera, son mari sera muté directement auprès de Monsieur Pierre, et deviendra son collaborateur direct. Les décrets pour vos nominations respectives sont déjà rédigés, et la signature interviendra sous peu. Vous disposerez également d’un logement de fonction, que vous connaissez, puisqu’il s’agit de celui qui vous accueille depuis hier.

Sachez aussi que pour vous, Madame, c’est Monsieur Gérard qui traitera avec vous, et que toutes les mesures ont été prises auprès de votre employeur actuel pour perpétuer ce que vous y avez réalisé. Pour conclure, permettez-moi de vous adresser mes plus vives et plus sincères félicitations.

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Ils quittèrent la garden-party en fin d’après-midi, pour revenir à la résidence. En arrivant, le gardien leur expliqua que la résidence appartenait à un complexe immobilier plus important et leur suggéra de faire une visite pour découvrir les différentes activités prévues pour les habitants.

L’ensemble était situé au coin de deux rues, et l’arrière du bâtiment principal permettait d’accéder à un jardin et aux autres immeubles. Parmi ceux-ci se trouvaient une salle de spectacle, ainsi qu’une galerie marchande privée. Il y avait aussi une salle de sport, que Denis voulut visiter. Un autre gardien leur ouvrit, et la première chose qu’ils aperçurent était les tatamis.  Leur guide expliqua que les habitants de la résidence utilisaient surtout la salle de musculation attenante et qu’un club de judo externe venait s’entraîner une fois par semaine. Il leur donna quelques explications sur le fonctionnement des autres activités, en précisant qu’ils recevraient une carte à puce permettant l’accès à tous les secteurs de la résidence.

Le chauffeur les conduisit chez Pierre, où ils avaient été conviés pour la soirée. Ils se retrouvèrent avec plaisir. Anne et Daniel étaient également présents.

-Alors, sœurette, tu as écrit une nouvelle version de l’histoire de Jeanne d’Arc ? Ils éclatèrent de rire. L’ambiance était détendue et après le repas, Pierre aborda le sujet du jour. Il leur demanda ce qu’ils pensaient de leurs promotions. Denis et Marie le remercièrent pour ce qu’il avait fait pour eux, et il répondit que c’était tout à fait normal.

-Et pour le déménagement, ce sera avant la fin de l’année. Vous allez être très occupés dans les prochains temps. Il va être difficile pour vous de prendre des congés. Marie lui répondit que cela n’avait pas d’importance, et qu’ils les décaleraient.

-J’aimerais retourner en Espagne, mon amour, dit-elle en regardant Denis. Pour découvrir

l’Andalousie. Que dirais-tu d’y aller en mars, l’année prochaine ? Et nous pourrions faire un circuit et revenir par Madrid. J’aimerais aussi revoir le temple de Debod.

-Je viens juste de penser à la même chose, chérie. Nous prendrons congé les deux premières semaines de mars. Cela te permettra de découvrir le Pays de Lorca.

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