11. LE DOIGT DE DIEU
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Lundi, huit heures trente, à l’aéroport.
Marie était impatiente de découvrir enfin ces îles dont il lui avait tant parlé. Pour que le vol soit le plus agréable possible, deux places en première classe avaient été réservées par Denis, et le trajet devait se dérouler en un peu moins de quatre heures.
En entrant dans l’avion, il remit à l’hôtesse un petit paquet, en lui demandant de le poser sur le plateau de Marie, lors du service à bord. Ils s’assirent sur leurs sièges, l’avion décolla, et les conditions ce jour-là permirent de profiter pleinement du paysage. Après une heure de vol, ils franchissaient les Pyrénées, et les repas furent servis. En découvrant le petit paquet, Marie dit à Denis qu’il avait encore fait des folies pour elle.
-Cela ne m’a rien coûté, répondit Denis, si ce n’est le bonheur de partager avec toi. Et ce qui est à moi est aussi à toi, maintenant. Le contenu se révéla être une clé, qu’elle avait déjà vu chez Denis, accompagnée d’une mention de la main de son mari. «La llave de tu casa», qu’il traduisit pour elle.
-La clé de ta maison. Mais je n’y serais jamais revenu sans toi. Elle est située dans un charmant petit village, dans le sud de l’île, à l’écart des zones touristiques. Je suis sûr que cet endroit te plaira, et t’inspirera. Tu feras aussi la connaissance de Juan, qui a bien connu mon père, ainsi que de sa famille. Des personnes rares. Mais nous ferons aussi un peu de tourisme, je tiens à te montrer les endroits que j’aime. Tu verras notamment un rocher, auquel se rattache des légendes, mais je ne veux pas t’en dire plus pour l’instant.
L’heure qui suivit leur permit d’écouter de la musique, avec l’équipement qui était à leur disposition. Cinq programmes étaient disponibles, et sans se concerter, ils optèrent pour le même concert de musique classique. L’avion maintint son altitude de croisière encore presque une heure, avant de commencer à descendre pour se poser à Las Palmas. Les deux premières îles que Marie put distinguer étaient Lanzarote et Fuerteventura.
Une voix résonna dans les haut-parleurs pour annoncer l’imminence de l’atterrissage et informer les passagers des consignes d’usage, tandis que Marie regardait par son hublot. Denis lui expliqua qu’elle ne tarderait pas à voir un champ d’éoliennes.
-Et que sont ces grandes surfaces blanches ?
-Ce sont des serres, essentiellement des bananeraies.
Ils étaient arrivés. En débarquant, ils récupérèrent leurs bagages avant de se rendre à l’agence de location où Denis avait loué une voiture. Il avait choisi de prendre la route longeant la côte, pour apprécier le paysage marin. Après une cinquantaine de kilomètres ils roulaient en hauteur le long d’une falaise, avant de redescendre après un virage serré vers un charmant petit port de pêcheurs. Denis bifurqua à l’entrée de celui-ci, pour remonter dans la vallée.
-Nous sommes presque au but, ma chérie. J’ai prévenu Juan de notre arrivée, et il y aura probablement un petit rassemblement pour nous accueillir.
En arrivant, ils virent toute une foule qui les attendait sur la place du village. Une estrade avait été installée pour l’occasion, et Juan vint ouvrir la porte de Marie. Denis sortit à son tour et lui serra la main. Ils étaient heureux de se revoir. La première chose que Denis apprit était la promotion de Juan. Il était depuis peu le maire du village.
Il leur demanda de les suivre sur l’estrade, et s’adressa à ses concitoyens, pour présenter Denis et Marie. Une enfant, qui les attendait sur place, remit à Marie un bouquet de roses, et en face d’eux ils découvrirent un calicot attaché entre deux maisons qui leur souhaitait la bienvenue. Ils applaudirent tous, lorsque Marie embrassa la fillette, et Juan leur expliqua en prononçant un petit discours qui était Denis. Beaucoup se souvenaient de lui étant enfant, et quelques-uns l’avaient reconnu.
Il termina son propos en souhaitant beaucoup de bonheur aux jeunes époux, non sans rappeler que le soir même serait soir de fête pour tous en leur honneur. Juan, qui observait Denis, s’aperçut qu’il semblait chercher quelqu’un parmi la foule.
-Où est Braulio ? demanda Denis
-Il est allé avec la voiture devant ta maison, pour décharger vos bagages. D’ailleurs le voici qui revient. Ainsi qu’il l’expliqua à Marie, Braulio était son fils, et la famille s’était agrandie, avec la fille de Braulio, qui avait cinq ans. C’est elle qui avait offert les fleurs. Le fils de Juan les félicita tous les deux et dit à Denis qu’il s’était marié avec Carmen, la fille de leurs voisins. Denis se souvenait d’elle, ils jouaient souvent ensemble, lorsqu’ils étaient enfants.
Juan remit à Denis les clés de sa maison. Un double qu’il conservait, pour s’occuper de la maison, ou y effectuer de menus travaux d’entretien. Marie avait hâte de la découvrir pour pouvoir s’y installer. Ils se promenèrent un peu dans le village, en se tenant par la main, tout en prenant le chemin qui y conduisait.
-Notre maison, dit-il à Marie, en lui ouvrant la porte, si tu savais comme je suis heureux d’y être enfin avec toi. Il y a une piscine à l’arrière, mais c’est encore un peu frais. En janvier il ne fait que vingt-deux degrés en moyenne, mais en saison, la température monte au-delà de trente degrés. Nous aurons tout loisir de nous baigner en été. Il pleut très peu, et ces îles sont appelées les îles de l’éternel printemps.
Après s’être préparés, ils retournèrent sur la place du village où des tables avaient été dressées. Il y avait aussi un groupe folklorique typique, qui commença à entonner des chants après qu’ils se furent assis. Ils étaient en compagnie de la famille de Juan qui leur avait réservé les places d’honneurs. La soirée se termina fort tard, avant qu’ils ne puissent à nouveau se retrouver seuls, leurs têtes remplies des moments merveilleux qu’ils venaient de vivre. Leur amour se reflétait dans leurs yeux.
Un autre moment encore plus merveilleux commençait pour eux.
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le lendemain matin, il regardait une fois de plus sa femme s’éveiller. Son cœur battait plus vite à chaque fois qu’elle ouvrait les yeux. Il embrassa tendrement sa bouche si douce.
-Tu es ma vie, dit-elle en le regardant avec amour. Rien d’autre que toi ne compte pour moi. Que veux-tu faire aujourd’hui ? Il avait prévu d’aller se promener un peu en fin de matinée pour lui montrer une petite plage. En quittant la maison, un peu plus tard, ils s’engagèrent sur la route traversant le village, qui se transforma rapidement en un chemin. Ils marchaient lentement, pour bien s’imprégner des beautés du paysage.
Marie s’était étonnée, lorsque Denis n’avait pas bouclé la porte en partant, mais Denis lui avait expliqué qu’il n’y avait jamais de vols. Il suffisait de demander, si quelqu’un avait besoin de quelque chose.
-Si nous devions croiser quelqu’un, ne t’étonne pas si je passe devant toi. El caballero en primero.
-Ce qui veut dire ?
-L’homme en premier. Les étrangers qui voient cela pour la première fois pensent que c’est du machisme, mais ce n’est pas du tout le cas. Il faut comprendre gentilhomme, plutôt qu’homme, et c’est une tradition. Il ouvre le chemin pour écarter les obstacles à sa belle. Comme un chevalier servant. Au détour d’un virage, ils croisèrent un ancien que Denis présenta à Marie. C’était Pablo, Le père de Juan, expliqua-t-il. Pablo n’avait jamais vécu ailleurs et allait pêcher tous les matins.
-J’ai réussi à attraper des saumons, je t’en déposerai un chez toi.
-Merci Pablo, la porte est ouverte, tu trouveras le réfrigérateur tout seul.
Ils reprirent leur marche, et après une vingtaine de minutes, ils arrivèrent au bord de la mer. Marie s’empressa de déballer ses fusains, et commença à dessiner ce qui l’entourait. Une plage perdue au milieu des rochers, en face de quelques récifs. Elle travailla plus d’une heure et il observait le talent que sa chère épouse déployait pour rendre au mieux les plus infimes détails. Elle s’interrompait parfois, ils se regardaient sans parler. la symbiose parfaite.
-J’en ferai un tableau, en rentrant, et je leur enverrai.
-Mais il faudra qu’il soit terminé avant le quinze août, si c’est possible. A cette date, les îles célèbrent la Virgen de la Candeleria qui est la sainte patronne de l’archipel, et je suis sûr qu’ils apprécieront ton geste.
En début d’après-midi, avant qu’ils ne rentrent chez eux, elle lui demanda lequel était le rocher des légendes, parmi ceux qu’elle voyait. Il lui répondit qu’il était situé à un autre endroit de l’île, et qu’il avait prévu d’y aller le lendemain.
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Il lui avait expliqué la veille qu’ils devaient partir assez tôt, et elle prépara un panier-repas. Ils prirent la route peu après, en direction de l’aéroport, mais en le dépassant, pour continuer sur l’autoroute, qu’ils quittèrent après Las Palmas. Ils roulèrent encore une dizaine de kilomètres, et après être rentrés dans Agaete, il trouva un parking où il gara la voiture. Marie avait peu parlé pendant le trajet, elle admirait les paysages qu’ils traversaient, bien différents de ceux auxquels elle était habituée.
Une marche de quelques minutes les mena dans la baie, que le beau temps rendait splendide, et elle sut immédiatement en regardant autour d’elle quel était le rocher magique. Il lui expliqua la légende que des générations de pêcheurs se racontaient.
-Ce piton rocheux que tu vois au milieu de l’eau est appelé Dedo de Dios par les insulaires, ou si tu préfères, le Doigt de Dieu, en français. La légende dit que Dieu a posé là un morceau de l’un de ses doigts pour servir de repère aux navigateurs, afin qu’ils retrouvent le chemin du port s’ils s’éloignent trop et qu’ils ne voient plus l’île. Mais ce n’est pas tout, elle précise aussi que le marin qui a aimé, s’il traverse une violente tempête, saura aimer encore une fois plus tard s’il revoit ce rocher.
-Ton histoire m’enchante, mon amour, lui dit-elle en se serrant contre lui. Elle me rappelle un peu la mienne, mais pour moi, j’ignorais tout de l’amour avant de te connaître. Je ne peux pas imaginer un seul instant que nous ne naviguions pas ensemble pour toujours.
-A propos de navigation, comme il reste un peu de temps avant de rentrer, nous allons nous arrêter à Las Palmas. Je veux te montrer un musée. Celui de Christophe Colomb. L’intérieur de l’une de ses caravelles y a été reconstitué. Marie apprécia le détour, et en rentrant elle se précipita sur ses fusains. Elle travailla plus de deux heures à dessiner une caravelle entrant dans la baie d’Agaete, avec deux silhouettes enlacées sur le pont. L’une d’elles pouvait laisser supposer Emi.
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Le lendemain matin, Marie, par pur réflexe, sortit après le déjeuner … pour chercher le courrier dans la boite aux lettres. Elle se rendit compte de son erreur en ouvrant la boite qui était vide.
-Aïe, s’exclama-t-elle fortement. En voulant remonter sur le perron, elle avait fait un faux pas et s’était tordu la cheville. Son mari accourut à son secours. Il avait entendu le cri de douleur qu’elle avait poussé, et s’empressa de l’aider à rejoindre le salon, en la soutenant, où elle s’assit sur le canapé. Sa cheville avait commencé à enfler et son visage grimaçait. Denis appela Juan au téléphone pour lui expliquer ce qui venait de se produire, et il lui répondit qu’il allait envoyer quelqu’un.
Il y avait peu de médecins dans le secteur, mais il connaissait une chiropracticienne dans le village voisin, qui savait s’occuper de ce genre de problèmes. Celle-ci arriva une demi-heure plus tard. Elle s’appelait Trinidad, et c’était une charmante jeune femme d’environ trente-cinq ans. En arrivant, elle déposa sa mallette, en sortit une bougie qu’elle posa sur la table du salon, et qu’elle alluma. Elle observa ensuite Marie quelques instants, les yeux mi-clos.
-Je vois, dit-elle. Trinidad ne parlait que l’Espagnol, et Denis dut se faire l’interprète des quelques questions et réponses, relatives aux circonstances de la chute de Marie et des douleurs qu’elle ressentait. Elle procéda ensuite à quelques manipulations, Marie ressentit une nouvelle douleur, très brève, et moins forte que celle de son malencontreux passage sur l’escalier. Sa souffrance commençait à s’atténuer. Elle plaça alors un cataplasme autour de la cheville, en recommandant à Marie de rester allongée jusqu’en fin de matinée.
Trinidad, qui était restée concentrée sur sa tâche, annonça qu’elle repasserait en fin de journée pour changer le cataplasme, et donna à Denis un sachet contenant quelques herbes. De quoi faire deux infusions qui finiront de calmer la douleur, précisa-t-elle. Denis voulut lui régler son dû mais elle n’accepta pas de paiement.
-Je sais qui vous êtes tous les deux. Tu es le fils des Français, qui venaient ici. Tout le monde te connaît, mais personne ne savait que tu étais marié. Et vous avoir rencontré me suffit en guise de salaire. Je suis heureuse d’avoir rendu service. C’est la roue du destin qui a provoqué notre entrevue. J’avais peut-être une dette envers vous, dans une autre vie ! Et ne vous étonnez pas si je parle ainsi, je suis adepte de la philosophie orientale. Elle est très importante pour moi.
-Je sais ce qu’est le Karma, répondit-il. Et dans un autre domaine, je pratique le Zen-o-Zen, ou si tu préfères, la réaction avant l’action. Mais seulement lorsque je m’entraîne. Nous pratiquons tous les deux une discipline des arts martiaux, et nous apprenons à utiliser la force de l’adversaire pour le vaincre. Ces explications intéressèrent Trinidad, qui leur demanda ensuite leurs dates de naissances. Elle proposa de réaliser leurs horoscopes orientaux, en leur disant qu’elle reviendrait en fin d’après-midi pour en parler, après avoir renouvelé le cataplasme.
Ce qui était arrivé à Marie constituait un évènement pour le village, et beaucoup d’habitants voulurent les aider. La première qui leur rendit visite fut Carmen, qui était de repos. Elle parlait assez bien le français, qu’elle avait appris au contact des clients dans l’hôtel où elle travaillait comme réceptionniste. Elle s’occupa de tout et leur avait apporté de quoi préparer le repas de midi. Marie la remercia chaleureusement.
-Tu sais, Marie, je m’occupe de la maison une fois par semaine, quand personne n’y vit, et cela ne me dérange pas d’en faire un peu plus, maintenant qu’elle est habitée. C’est triste, une maison vide, mais c’est triste aussi une maison sans enfants. J’espère que vous en aurez également. C’est normal quand deux personnes s’aiment. Et je suis sure que cela vous rendra encore plus heureux. Tu ne peux pas imaginer le bonheur que c’est d’avoir un enfant, et notre fille est l’amour de notre vie, à Braulio et à moi.
Plusieurs visites se succédèrent au courant de l’après-midi. La femme de Juan vint leur porter un biscuit, d’autres des fleurs, ou encore des dessins que les enfants avaient réalisés. Marie était ravie de toutes ces petites attentions et aimait de plus en plus ces gens simples qui avaient le cœur sur la main.
Les deux infusions avaient fait leur effet, et Marie ne ressentait presque plus la douleur lorsque Trinidad revint plus tard. Elle s’occupa d’abord des soins, plus ouvrit un grand rouleau de papier qu’elle avait apporté.
Elle s’était inspirée de la méthode des quatre colonnes du destin pour réaliser leur horoscope, qui représentait leurs personnalité, leur émotionnel, leur attitude quotidienne et leur moi profond. Les conclusions qu’elle en avait déduites étaient proches de la réalité, ce qui surprit Marie. mais elle leur précisa que tout n’était pas forcément exact, et qu’il fallait surtout comprendre cela comme une idée générale. Rien, dans cet horoscope, ne permettait de prédire un quelconque avenir, mais elle dit malgré tout que même s’ils devaient être séparés, ils continueraient à être heureux ensemble. La seule certitude qu’elle put déduire était l’harmonie parfaite de leur couple.
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Le lendemain, Marie n’avait plus mal. Ses douleurs avaient complètement disparu. Elle n’avait jamais guéri aussi vite, et dit à Denis que les médecines orientales avaient du bon. Il dut insister pour qu’elle se repose encore ce jour-là, en disant qu’il s’occuperait de tout, et elle se mit à dessiner.
Elle réalisa deux superbes portraits, le premier était celui de Carmen, et le second celui de Trinidad. Elle avait représenté cette dernière à l’intérieur d’un temple bouddhiste, à côté d’une statue et il semblait émaner de Trinidad une lumière tout autour de son corps. Denis admira longtemps ce portrait, et Marie lui dit qu’elle peindrait en jaune d’or les reflets lumineux qui entouraient sa soigneuse, à leur retour.
-Et qu’allons-nous faire demain, mon amour? demanda-t-elle à son époux, après le repas du soir, alors qu’ils écoutaient un peu de musique.
-J’ai prévu une excursion. Nous irons sur l’île de Ténérife. Je suis sûr que tu n’as jamais vu un aquarium géant par le dessous. Pour y aller, nous prendrons le ferry, et un bus nous attendra pour une excursion sur l’île, et nous terminerons par la visite de cet aquarium, qui est situé dans un parc animalier. Et avant de revenir en France, nous irons encore sur deux autres îles. Et comme d’habitude
-Oui, je sais, l’interrompit-elle. Ne pas oublier les fusains ! Pour les deux autres îles, c’est quand ?
-En milieu de semaine prochaine, ensuite, il faudra songer au retour.
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Ils étaient main dans la main à bord du ferry qui les menait vers Santa Cruz. Il n’y avait pas de vent et la traversée fut agréable. Ils avaient pris place à l’avant du bateau pour regarder la mer et Marie repensait à la légende du rocher.
En débarquant, ils furent de suite pris en charge par le guide qui leur indiqua le bus qu’ils devaient prendre. Le groupe de visiteurs comptait une vingtaine de personnes, de diverses nationalités. Denis ne faisait pas attention à ce que le guide racontait, les discours habituels à l’intention des touristes. Il expliqua à sa femme qu’il avait choisi cette excursion parce que le trajet devait passer par le Pic du Teide, un ancien volcan, où le paysage était particulièrement désolé. Une pause y avait été prévue.
Marie profita de cette halte pour esquisser quelques croquis. Denis adorait la regarder quand elle dessinait. L’accompagnateur s’était rapproché d’eux, et poussa un sifflement d’admiration devant son travail. Il lui demanda en Allemand d’où elle venait, ce qui amusa Marie. Denis répondit pour elle en disant qu’ils étaient en voyage de noces, et qu’ils retournaient sur Grande Canarie le soir même.
Ils reprirent la route pour se rendre au parc. Ils disposaient d’une heure avant de repartir, et Marie s’extasia après s’être rendue sous l’aquarium, tout en réalisant quelques nouveaux croquis. Elle visita aussi la nurserie aux perroquets, et observa le travail des soigneurs. Elle savait déjà qu’elle ramènerait de merveilleux souvenirs en France.
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Sur le retour, Denis s’arrêta à l’aéroport pour réserver leurs places sur la compagnie intérieure, en vue de leur ultime excursion. Les réservations comprenaient également les transferts. Ils devaient voler jusqu’à Arrecife, où un bus les conduirait dans le nord de l’île, pour embarquer et se rendre à l’île de la Graciosa.
-Notre dernière excursion avant de rentrer, dit Marie, en passant le contrôle, quelques jours plus tard.
Malgré la durée toute relative du vol, ils eurent droit à un service à bord remarquable. Le personnel de bord remarquable. Le personnel de bord était charmant. Dans le bus qui les conduisait vers le port d’Orzola, Marie observa le paysage qui était très différent de celui de Grande Canarie. Ils passèrent près de plusieurs volcans.
Marie demanda quelques précisions concernant cette île, et il répondit que c’était la plus petite île habitée, et qu’il n’y avait là-bas que quelques centaines d’habitants regroupés dans un gros village.
Il y avait un peu de vent, mais le ciel était clair, et ils prirent place malgré tout à l’avant du bateau, pour regarder le paysage. La traversée devait durer une demi-heure, et à mi-chemin, Denis fit observer à Marie une autre île, située plus loin.
-Cette île s’appelle Alegranza. Elle n’est plus habitée depuis quelques décennies, et il n’y a pas de moyens pour s’y rendre, si ce n’est en louant un bateau. Mais j’aimerais malgré tout y poser une fois les pieds. Peut-être plus tard, je ne sais pas encore.
Marie le regarda d’un air étrange. Sa voix avait subitement pris une tonalité inhabituelle, comme si une autre personne parlait. Cela troubla Denis.
-Quand tu y seras, je serai avec toi.
Ils approchaient de la côte et elle vit depuis le bateau que toutes les maisons étaient de la même couleur, blanches, avec des encadrements de portes et fenêtres bleus. La première chose qui frappa Marie en mettant pied à terre furent les rues. Toutes les rues étaient de sable.
Ils flânèrent toute la matinée, en s’amusant à compter les voitures. il n’y en avait guère qu’une dizaine sur toute l’île. Marie réalisa aussi de nouveau plusieurs croquis, notamment de jardins, devant les habitations, qui n’étaient délimités que par de simples pierres volcaniques, dans lesquels poussaient des cactus et des géraniums acclimatés.
Après s’être restaurés, ils partirent en direction du volcan, situé quelques centaines de mètres plus loin, avant de revenir vers le village, où Marie s’émerveilla en voyant les oiseaux de mer. Ils n’étaient pas du tout effrayés par leur présence et se livraient à un ballet incessant sous leurs yeux. Certains se posèrent tout près, pour les observer.
-Le temps a passé trop vite, dit Marie, avant de repartir. C’est si beau ici. Il faut que cet endroit soit préservé. Il pensait la même chose. Ils reprirent le bateau vers dix-sept heures. Peu avant vingt et une heures, ils étaient de retour chez eux.
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La fin de leur voyage de noces était proche. Leurs deux dernières journées furent consacrées à rendre visite aux uns et aux autres, se promettant de revenir, ou encore de s’écrire. Marie voulut voir encore une fois la petite plage où ils étaient allé le premier jour. Un dernier moment magique avant de revenir en France. Elle ressentait un peu de nostalgie, attristée à l’idée de quitter cet endroit charmant. Lors de la dernière nuit, Denis fit un mauvais rêve qui le réveilla.
Il se rassura en voyant son amour dormir près de lui. Il avait rêvé qu’ils étaient séparés, tout en étant
ensemble. Un sombre pressentiment l’avait envahi, qu’il chassa de ses pensées en se réveillant le lendemain matin.
Deux jours plus tard, ils volaient ensemble vers la France, et il ne pensa plus à ce cauchemar.
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