10. QUE CE CHEMIN
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Les congés d’été approchaient, et ils avaient programmés trois semaines, de fin juillet à la mi-août. Denis avait loué un appartement à Madrid, près de l’arène, dans une rue calme, à quelques pas d’une station de métro. C’était la première fois que Marie était en Espagne. Elle fut enchantée de ce qu’elle découvrit, et plus particulièrement par l’architecture madrilène autour de Puerta del Sol. Lors d’une promenade, Denis l’emmena voir le temple de Debod. Elle n’avait pas oublié d’emporter quelques fusains et feuilles de papier, et s’empressa de croquer cet endroit, situé dans un parc sur les hauteurs de la capitale.
-J’aimerais revenir ici, lui dit-elle, une fois, à l’occasion d’une de leurs promenades.
-C’est envisageable, répondit-il. Mais je souhaiterais auparavant que tu découvres les Canaries. J’ai pensé aller là-bas pour notre voyage de noces. Elle s’en montra ravie, d’autant plus qu’elle avait demandé à plusieurs reprises quels étaient les lieux qu’il avait connu pendant son enfance.
Le sentiment qui les unissait se renforçait de jour en jour.
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Le travail avait repris, et Marie était affectée à présent dans la section de Roland pour apprendre à réaliser les montages qui servaient à graver les plaques d’impression. Les efforts qu’elle déployait lui permirent d’être rapidement performante, et elle avait dépassé de loin les capacités de son ex-mari.
Denis et son supérieur s’entretenaient parfois des progrès qu’elle accomplissait. Certains regards ne lui avaient pas échappé, mais il ne voulut rien dire pour l’instant. Il ne pouvait pas, pour des raisons morales, s’occuper de leur vie privée. Mais Denis savait que, tôt ou tard, ses collègues devaient être informés de la situation. Vers la fin de mois de septembre, il demanda un entretien en particulier avec Monsieur Doroin.
-Merci de me recevoir, Monsieur Doroin. J’ai sollicité cet entretien parce que je dois vous annoncer une nouvelle. Je voulais que vous soyez le premier informé. J’aimerais votre accord pour organiser un verre de l’amitié, peu avant Noël, à mes frais, bien entendu, pour fêter un évènement. Son directeur lui demanda d’être plus précis, de telles célébrations étant rares chez arts graphiques.
-Je suis heureux de vous annoncer mon mariage. Je devrais dire «notre» parce que vous connaissez ma future épouse. J’aimerais que cela reste une surprise pour tous jusqu’à ce que nous l’annoncions.
-Je m’en doutais un peu. Je l’avais bien observé le premier jour, et sa décision de divorcer n’était probablement pas étrangère à ce qu’elle a ressenti immédiatement pour toi. Car il s’agit bien de Marie, non ? Mais permets-moi avant tout de vous adresser à tous les deux mes meilleurs vœux de bonheur.
-Je vous remercie. Voici ce que j’ai prévu … Denis ressortit du bureau, une demi-heure plus tard, le sourire aux lèvres. Le soir même, il parla avec Marie de son entretien.
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Les séances d’entraînement avaient redémarrées, elles aussi. Nicole, Didier, Marie et Denis se voyaient tous les jeudis soirs. Chacun progressait selon son rythme, et il n’était pas rare qu’ils dînent ensemble ces jours-là. Marie avait remarqué que Didier et Nicole étaient de plus en plus intimes, et partageaient, eux aussi, beaucoup de points communs. Malgré les efforts de Didier, Nicole était parfois distante, comme plongée dans un autre monde. Plusieurs collègues l’avaient déjà remarqué, et un soir, elle se décida à leur parler.
-Je ne vous connaissais pas encore assez, mais ce n’est plus le cas. J’ai été mariée, mais je suis veuve. Mon mari a été emporté par une maladie, et il m’arrive parfois d’être nostalgique. Il ne faut pas m’en vouloir si je vous apparais parfois renfermée.
-Tu sais, chacun traverse des épreuves. mais le plus important est de conserver les bons moments, répondit Marie. Et s’il n’y en pas, tant pis, mais il est toujours possible d’aller de l’avant. Le destin réserve des surprises.
-Et l’on rencontre toujours de nouvelles personnes prêtes à aider, rajouta Didier. Le lendemain, Nicole et lui arrivèrent ensemble.
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Les affaires étaient florissantes pour arts graphiques, et courant octobre, un bruit se répandit selon lequel de nouveaux clients s’étaient renseignés, au sujet de futurs travaux. Ceux-ci devaient même venir pour visiter l’Entreprise avant la fin de l’année. L’attention s’était focalisée sur ce projet, mais le personnel avait été informé que les réponses qu’il attendait seraient communiquées fin décembre.
Denis avait voulu organiser le verre de l’amitié et annoncer leur mariage dans la salle de l’atelier de montage. C’était la plus grande, elle convenait parfaitement. Deux jours avant la date prévue, une note de service informait le personnel qu’une réunion concernant un nouveau projet se tiendrait le vingt en fin de journée. Denis commença à préparer la salle le lendemain, avec l’aide de Didier, en alignant une série de tables qui devaient servir pour le buffet. Il avait prévu un traiteur.
Le jour qu’il attendait était arrivé. La réunion devait se tenir à dix-sept heures en présence de Monsieur Doroin, et le personnel de la photogravure avait commencé à se rassembler un peu avant. Un caméraman était également présent, pour immortaliser l’évènement.
Lorsque le directeur arriva, il jeta un coup d’œil circulaire pour s’assurer que tout le personnel était présent, et annonça que Denis allait leur expliquer la raison de cette réunion.
-Monsieur Doroin, Monsieur Gildon, mes chers collègues et amis, reprit Denis, vous avez tous vu que quelque chose se prépare, et je crois que vous aimeriez bien savoir pourquoi. Comme c’est l’usage dans ce genre de circonstances, je vais vous faire un petit discours, mais rassurez-vous, il ne sera pas long, et tiendra en trois points. Aujourd’hui, il va être question de promotion. Mais pas de promotion au sens où vous l’entendez habituellement, à savoir la promotion professionnelle. Alors de quoi s’agit-il … eh bien, il va être question de la promotion en général, et plus particulièrement de promotion de l’individu.
Dans la vie, il arrive parfois que vous ayez à traverser des épreuves, ou encore à vivre des moments difficiles. Toutes ces choses qui vous laissent un goût amer dans la bouche. Mais heureusement, dans la vie il y a des moments beaucoup plus heureux, des moments qui vous remplissent le cœur de joie et qui vous font oublier les malheurs. Et aujourd’hui est un de ces moments, et j’ai voulu le partager avec vous.
Pour vous expliquer cela, je vais aborder de suite le premier point. Il y a quelques mois, j’ai rencontré quelqu’un. Je voudrais en premier lieu remercier Monsieur Doroin, qui non seulement a rendu cette rencontre possible, mais lui a permis aussi d’évoluer. Cette personne que j’ai rencontrée a eu droit également à son lot de souffrances, et cela nous a rapprochés. Nous nous sommes découverts, nous avons appris à mieux nous connaître, et à partager. Et un jour nous nous sommes dit que … nous nous aimons, et j’ai la grande joie de vous annoncer notre mariage qui sera célébré dans deux semaines. C’est officiel, les bans ont été publiés aujourd’hui.
L’ensemble des présents dans la salle se mit à applaudir, et Monsieur Doroin fit un geste d’apaisement pour ramener le calme, puis il demanda à Denis s’il comptait présenter sa future épouse.
-Et c’est l’objet de mon deuxième point, reprit Denis. Elle est actuellement chez son employeur, elle ne va pas tarder à me rejoindre, mais contrairement à ce que vous supposez, je ne pourrai pas vous la présenter.
Roland l’interrompit pour lui demander s’il se mariait avec la femme invisible, ce qui fit rire tout le monde.
-Ta remarque ne manque pas d’humour, mais tu ne crois pas si bien dire, tu vas comprendre pourquoi. En fait, quand je dis que je ne pourrai pas vous la présenter c’est pour une raison bien plus rationnelle. C’est tout simplement parce que … vous la connaissez déjà tous !
La salle était devenue silencieuse, certains regardaient Nicole, et il se tourna vers Marie en ouvrant les bras en lui disant «Viens mon cœur». Marie rejoignit Denis qui l’embrassa et lui demanda si elle voulait dire quelques mots. C’était la première fois qu’elle s’exprimait devant tous ses collègues.
-Je voudrais tout d’abord vous remercier tous, pour m’avoir acceptée dans cette belle famille des arts graphiques qui m’a apportée le bonheur. Elle se tourna vers Monsieur Doroin, et lui dit qu’elle sollicitait une faveur.
-Ce sera la seule chose que je vous demanderai. Sans vous, nous ne nous serions jamais rencontré, accepteriez-vous d’être mon témoin pour le mariage civil ?
-Bien entendu, ma petite Marie, je te le promets. Mais tu sais que je suis également un homme d’affaires, et avec moi, tout se négocie. En contrepartie, il serait bien que tout le monde sache qui tu es, parce que, de toute façon, ces choses-là, tôt ou tard, finissent toujours par se savoir.
-D’autant plus, continua Denis, que cela fait l’objet de mon troisième point.
J’ai rencontré Marie il y a un peu moins d’un an. C’était une semaine avant qu’elle ne commence à travailler parmi nous. C’était un lundi matin, au bureau, il y avait Monsieur Doroin et Monsieur Gildon, mais ce jour-là, elle n’était pas venue pour un entretien d’embauche. Elle était venue pour une raison toute différente, pour savoir. Elle voulait savoir, et n’oubliez jamais ce que je vais vous dire, pourquoi celui qui fut un mari indigne et dont nous ne prononcerons plus le nom à l’avenir, était rentré, le vendredi soir précédent, tout cassé et tout mouillé.
Et après avoir écouté mes explications, Marie a décidé de divorcer, elle préférait cela à la vie qu’elle menait à ce moment-là. Ce que je ne savais pas, c’est qu’elle m’avait aimé dès le premier regard. Et pour ma part, je me suis rendu compte de mes sentiments pour elle un peu plus tard. Ensuite, le temps a fait son œuvre, et vous connaissez maintenant la suite.
L’assistance était stupéfaite, elle ne s’attendait pas du tout à cela. Ils venaient de comprendre qui était Marie. Les commentaires commençaient à fuser, mais tous se calmèrent en entendant la voix du Directeur qui leva son verre à la santé des futurs époux. Denis les informa également, au cours des discussions qui suivirent, qu’il faudrait établir une liste des personnes souhaitant assister à la cérémonie religieuse, et que le départ s’effectuerait en groupe depuis arts graphiques.
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Avant de quitter arts graphiques, Denis échangea quelques mots avec le caméraman, puis il quitta la société avec Marie. Ils avaient décidé d’aller à leur pizzéria habituelle pour le dîner. Ils venaient de commander, lorsqu’un groupe arriva. Des jeunes mariés. En passant à la hauteur de Denis, la mariée trébucha et se rattrapa à la chaise de Denis. Celui-ci l’aida à se relever. L’un des invités prit une photo de la situation, et la mariée remercia Denis. Il lui répondit qu’il leur souhaitait le plus grand bonheur, et elle ajouta qu’elle espérait la même chose pour Denis et sa compagne, en leur disant de faire bien attention à eux. Le ton de sa voix rappela un peu à Denis le ton qu’avait employé Emi, un an auparavant, alors qu’elle le mettait en garde contre sa sœur.
Ils terminaient le dessert, lorsque Denis vit arriver Emi. Elle n’était pas seule et était accompagnée par Denis, de la troupe de théâtre.
-Voici quelqu’un que je ne m’attendais pas à voir ici, dit Denis, en regardant Marie avec amour. Regarde bien au fond, n’as-tu pas déjà vu la jeune femme qui est assise avec ce grand gaillard ?
-Son visage ne m’est pas inconnu, mais je n’arrive pas à me souvenir. Qui est cette jolie personne ?
-Tu aurais dû la rencontrer, mais ce jour-là, elle était fatiguée. Il s’agit d’Emi. Et je constate qu’elle a trouvé aussi quelqu’un. Cela me fait plaisir pour eux. Ce qui les réunit, c’est le théâtre, c’est leur grande passion à tous les deux.
Emi, qui venait de s’apercevoir de leur présence, se leva pour venir les saluer. Elle s’adressa d’abord à Marie.
-Bonsoir, je ne sais pas qui vous êtes, et je ne veux pas le savoir. Mais si vous êtes la compagne de Denis, et il y certains regards qui ne trompent pas, je vous souhaite à tous les deux ce qu’il y a de mieux. Mais je ne suis pas seulement venu pour cela. Je veux aussi dire à Denis que ma sœur ne devrait pas tarder à nous rejoindre. Tu sais que nous sommes fâchées, et je n’avais pas vraiment de
la rencontrer. Mais elle a tellement insisté que j’ai cédé. Elle a, soi-disant, quelque chose de très important à me dire. Je voulais juste te prévenir, au cas où tu ne souhaiterais pas la rencontrer.
-Je te remercie, Emi. En effet, je n’ai pas envie de la voir. Mais comme nous venons de terminer, nous n’allons pas rester plus longtemps. Je vous propose à tous les deux de nous retrouver un peu plus tard au café Roy, pour faire plus ample connaissance. Qu’en dites-vous ? D’autant plus que j’ai quelque chose d’important à vous demander.
-Cela me convient. Vers vingt et une heure, dans ce cas, nous viendrons.
Avant de quitter la pizzeria, Denis demanda au serveur de faire porter à la table d’Emi la bouteille de champagne qu’ils n’avaient pas terminé, accompagnée d’un petit mot qui disait qu’il comptait absolument sur leur présence.
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Emi et son ami retrouvèrent Denis et sa future épouse à l’heure convenue, et il leur présenta Marie.
-C’est amusant, dit le compagnon d’Emi, c’est la deuxième fois que nous entendons ce prénom ce soir. Denis dressa l’oreille, et Marie se fit attentive, elle aussi.
-Oui, reprit Emi, ma sœur est venue, mais elle n’était pas seule. Elle était avec son concubin, son «Bob», comme elle l’appelle. Je ne l’aime pas du tout. Mais peu importe, tu m’as dit que tu voulais nous demander quelque chose ?
-Oui, vous savez que vous êtes mes seuls amis, et j’aurais besoin de vous d’ici deux semaines. Marie et moi allons-nous marier, et je voudrais que vous soyez mes témoins. Le visage d’Emi s’illumina. Elle s’empressa de donner son accord, en rajoutant avec un sourire qu’elle était heureuse qu’il ait trouvé la bonne personne.
Le compagnon d’Emi les félicita à son tour, en disant que cela ne posait pas de problèmes, la troupe ne jouant pas en ce moment.
-Mais c’est une drôle de coïncidence, tout de même, les prénoms. Il avait hâte de parler de ce qui s’était passé à la pizzéria. Si vous saviez comme cela s’est passé, tout à l’heure …
-C’est vrai que ce n’était pas triste, l’interrompit Emi. Tout d’abord, quand ils sont arrivés, la première chose qu’elle a vue a été la bouteille, et elle m’a remercié de l’avoir commandée. Elle a de suite demandé deux verres de plus, et s’est servie.
-Mais je lui ai dit qu’elle pouvait seulement en boire à condition de trinquer aux bonheur des amis qui nous l’avaient offerte. Ce qu’ils ont fait !
-S’ils avaient su au bonheur de qui ils trinquaient, ils se seraient étranglés, dit Marie, et plutôt deux fois qu’une. Tous les quatre riaient franchement.
-Mais ce n’est pas tout, ils se sont aussi engueulés ! C’est elle qui lui avait demandé de venir, mais il n’en avait pas envie. Au moment de payer, elle lui a dit de régler l’addition, mais il a dit qu’il ne payait que sa part. Et qu’il avait proposé de nous inviter, au lieu d’aller au restaurant, et qu’elle aurait très bien pu préparer quelque chose. Elle s’est énervée, en disant qu’elle n’aimait pas faire la cuisine et
que s’il voulait continuer à la fréquenter, elle exigeait de lui qu’il paye le restaurant deux fois par semaine. Et ensuite, tout a dégénéré. Il lui a dit que Marie, au moins elle savait faire la cuisine. Elle l’a traité de tocard devant tout le monde en lui disant que s’il était si bien avec sa Marie, il n’avait qu’à retourner chez elle. Et qu’elle lui laissait un mois pour partir s’il n’était pas d’accord. Il a cédé, mais en rajoutant qu’il n’était pas question pour lui de retourner chez son ex-femme, parce qu’il l’avait quitté pour elle, et ils sont partis, sans même nous dire au revoir.
-Cela, dit Denis, ce n’est pas vrai. Un soir, il est rentré, et ses affaires étaient sur le palier. C’est elle qui a demandé le divorce. Et il n’y a pas de coïncidence. Il n’y en a pas parce qu’il n’y a pas deux Marie. Nous parlons de la même depuis que vous êtes arrivés ! Et c’est vrai aussi que tu es une fée au logis, mon amour, dit-il à Marie en la regardant tendrement.
-Génial, absolument génial, s’écria l’ami d’Emi. Il faudra que nous nous en inspirions si nous devons un jour improviser sur scène.
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Judith et son mari devaient arriver la semaine suivante, et pour leur éviter des frais, Marie avait suggéré de leur prêter son appartement, pendant qu’elle serait avec Denis. En attendant leur arrivée, ils passeraient seuls le réveillon de Noël.
Ils n’avaient rien prévu de particulier, leur bonheur leur suffisait, mais Denis voulut tout de même faire plaisir à Marie. Dans son salon, il installa une simple crèche, qu’il décora avec beaucoup de goût, et Marie avait prévu de préparer les agapes dans l’après-midi. Denis, de son coté, avait décidé de faire quelques emplettes. Il voulait offrir à Marie quelques couleurs pour artiste, qu’il acheta au magasin d’art, avant de passer dans un magasin de musique, où il fit l’acquisition d’un coffret de CD, une intégrale d’Albeniz. En rentrant, il s’aperçut que Marie avait dressé la table. Elle lui demanda de préparer l’apéritif, mais elle ne voulait pas qu’il entre dans la cuisine. Ce sera une surprise, avait-elle dit.
La surprise fut de taille pour Denis. Elle avait préparé des tapas en entrée, une paella et des quesadillas pour le dessert. Elle n’avait pas ménagé ses efforts, et Denis savait tout le travail que nécessitaient ces mets typiques. Il était très sensible au geste qu’elle avait fait pour lui rappeler les heureux Noëls d’antan, et la serra longuement dans ses bras pour la remercier, tout en l’embrassant tendrement.
Ils s’étaient assis au salon, à la fin du repas, et virent qu’il y avait trois petits paquets posés près de la crèche. Marie ouvrit d’abord les siens. Denis fut le plus surpris en découvrant la montre bracelet qu’elle lui avait achetée. Ils écoutèrent ensuite Albeniz, avant de se rendre à la messe de Noël. Un autre moment d’émotions partagées.
Sur le chemin du retour, elle lui demanda ce que la religion représentait pour lui, et il lui exposa son point de vue. Denis attachait plus d’importance aux valeurs humanistes et considérait Dieu comme un architecte, mais sans négliger les traditions. Ils reparlèrent également de leur mariage, Pierre s’était occupé de toute l’organisation.
Judith et son mari arrivèrent deux jours plus tard. Ils les accueillirent à l’aéroport, avant d’aller chez Denis, où ils devaient passer la soirée. Denis les ramena ensuite à l’appartement de Marie. Ils ne s’étaient pas vus depuis Pâques, et c’est avec beaucoup d’émotion que Marie retrouva sa sœur.
-C’est merveilleux, dit-elle, tous les gens que j’aime sont près de moi.
Pour la cérémonie religieuse, il avait été prévu que Judith soit le témoin de Marie, et Anne celui de Denis. Anne-Sophie et Judith devaient les conduire à l’autel, et ils avaient rencontré à plusieurs reprises le curé de leur Paroisse, en vue de préparer la célébration. A l’occasion de l’une de ces rencontres, le curé leur avait dit qu’il n’officierait pas personnellement, mais que l’évêché avait décidé qu’un autre homme d’Eglise s’en occuperait. Ce sera une surprise, avait dit le prêtre.
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Le réveillon de la Saint Sylvestre avait été organisé chez Denis. Marie et Judith passèrent une partie de l’après-midi en ville, pour d’ultimes emplettes, tandis que Denis et son futur beau-frère étaient restés dans l’appartement.
Ils évoquèrent les travaux particuliers que Denis réalisait pour le compte de Pierre, mais sans trop entrer dans les détails. Le courant passait bien entre eux, et ils savaient qu’ils pouvaient mutuellement se faire confiance. Marie et Judith arrivèrent peu après, les bras chargés de paquets. La soirée fut surtout consacrée à lier plus amplement connaissance et Denis apprit qu’étant enfant, les deux sœurs dessinaient souvent ensemble, en se chamaillant, et que l’une comme l’autre étaient douées pour le dessin. Judith, de deux ans la cadette, avait par ailleurs suivi les mêmes cours aux beaux-arts.
-En ce qui me concerne, j’ai surtout réalisé des paysages, depuis que nous sommes dans le Pacifique, j’en profite, tant que nous y sommes.
-Et tu as bien raison, reprit sa sœur, il faudra que tu me montres cela, un jour.
-Nous pourrions aussi vous rendre visite, les interrompit Denis. Mais pas de suite. Et il ne faudra pas oublier tes fusains, ma chérie. Mais pour l’instant, nous ferons bientôt un autre voyage. Il se leva, ouvrit un tiroir, en retira une enveloppe qu’il donna à Marie. Notre voyage de noces, lui dit-il en l’embrassant. Il avait réservé deux places dans un vol sur Las Palmas, qui devait décoller le lendemain de leur mariage, et expliqua à Marie que l’hôtel ne serait pas nécessaire.
-Nous serons dans la maison que mes parents avaient achetée là-bas, et qui sera dorénavant notre maison de vacances. Et je suis sûr que tu t’entendras très bien avec tes nouveaux voisins. Ce sont des gens charmants. J’ai aussi préparé un petit programme pour te permettre de découvrir le Pays, mais je ne t’en dirai pas plus pour l’instant.
A minuit, ils échangèrent les traditionnels vœux de bonne année, et dégustèrent une bouteille de champagne avant de se quitter.
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Le rendez-vous à la mairie avait été décidé pour le vendredi suivant, en milieu d’après-midi. Le maire leur rappela les devoirs des époux, avant de leur demander leurs consentements. Emi et Monsieur Doroin signèrent en qualité de témoins civils, non sans que Denis leur rappelle à l’issue de cette formalité que la messe de mariage devait se tenir à partir de quinze heures le lendemain. Un bus avait été prévu ce jour-là pour les personnes de l’Entreprise souhaitant y assister, ainsi que Pierre l’avait souhaité. Des considérations pratiques, en raison de la présence de personnalités, avaient dictées son choix, mais il n’en avait pas parlé à Denis.
Marie et Denis se tenaient devant l’autel. Le curé souhaita la bienvenue à l’assemblée et présenta l’officiant. C’était l’Evêque aux armées. En prenant la parole, il remercia pour leur présence tous les présents, mais plus particulièrement le secrétaire d’ Etat qui n’était autre que la personne que Denis avait rencontré à Paris dans le bureau à Pierre.
Marie, comme il avait été prévu, fut conduite à l’autel au bras du mari de Judith, et Denis le fut par Anne-Sophie. Avant que la célébration proprement dite ne commence, le Secrétaire d’Etat rendit un hommage vibrant aux disparus, qu’il conclut en disant qu’il n’occuperait probablement pas ce poste s’ils étaient encore là. Beaucoup d’anciens collègues du père de Denis assistaient à la messe, et ils avaient tous endossés pour la circonstance leurs uniformes de cérémonie. Denis, quant à lui, tenait précieusement une bible que Marie lui avait offerte et dans laquelle elle avait écrit quelques mots.
… Tu es mon seul amour pour l’éternité.
L’émotion était à son comble lorsque l’assistance entendit le oui des futurs époux, avant qu’ils ne ressortent de l’église, pour se rendre dans la salle paroissiale attenante, dans laquelle une collation avait été préparée pour les invités.
A la demande de Denis, le cameraman qui avait réalisé la première vidéo chez arts graphiques s’était rendu sur les lieux pour filmer leur engagement, et Denis lui remit une enveloppe à l’issue de la cérémonie. Outre le paiement de la prestation, celle-ci contenait un message manuscrit destiné à être collé sur une copie des vidéos, et qui devait être envoyée par la suite au nouveau domicile de Robert. Ce message disait:
«N’oublie pas ma promesse, mais saches que je n’ai jamais rien entrepris à ton encontre. Tu es seul responsable de la situation dans laquelle tu te trouves. Puisse notre Seigneur t’accorder la paix des sens et te pardonner le mal que tu as fait»
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